|
|
|
|
|
|
|||
Los Angeles (Californie), 2 novembre 1947 Pas moins de 50 000 personnes, entassées sur les quais du port, assistèrent a un événement unique dans l'histoire de l'aviation le premier et le seul -- vol d'un infortuné géant de l'air, le Hughes H-4 Hercules. Conçu dans le climat fiévreux qui agitait l'Amérique dans sa première année de guerre, réalisé par l'imprévisible personnage qu'était le milliardaire Howard Hughes, cet énorme hydravion, avec ses huit moteurs et ses quelque cent mètres d'envergure, avait été achevé presque par défi après que tout le monde s' était rendu compte de l'absurdité du projet. Et, ce matin-là, par défi aussi, Hughes lui-même fit voler l'appareil. Il ne s'agissait, en fait, que d'un long saut de quelques dizaines de mètres, sur la distance d'un mille, mais la preuve était faite! Pour « le milliardaire volant», cette démonstration non seulement terminait une aventure commencée cinq ans auparavant et qui avait coûté prés de 25 000 000 de dollars de l'époque, mais mettait aussi un terme à la vague de polémiques et de critiques qui avaient accompagné la naissance et le développement du Hercules. Après avoir prouvé sa capacité à se détacher de l'eau, l'appareil fut définitivement ramené dans l'immense hangar construit exprès sur un des quais du port, d'où il ne bougea plus. L'idée originale en avait germé dans l'esprit d'un personnage aussi déroutant qu'Howard Hughes, l'industriel Henri J. Kaiser, célébre pour la grande habileté avec laquelle ses chantiers réalisaient dans un temps record les fameux Liberty Ships, les navires de transport préfabriques produits en masse dans les années de guerre. Au début de 1942, alarmé par l'intense activité des sous-marins allemands qui faisaient des ravages dans la marine marchande. Kaiser lanca sa proposition aux autorités militaires construire 5 000 hydravions aux dimensions et caractéristiques exceptionnelles, capables de remplacer les navires dans le transport des troupes et du ravitaillement aux divers endroits ou la guerre sevissait. Ainsi - ajoutait Kaiser en conclusion de sa thèse - on annulerait complètement la menace croissante des submersibles allemands. Ces avions, véritables vaisseaux volants, auraient ainsi dû avoir une capacité de transport d'au moins 500 soldats équipes -- ou du poids équivalent en matériel -- et une autonomie suffisante pour les conduire sans escale au-delà de l'océan. L'idée -- même si elle suscita de l'intêrèt dans les milieux militaires - apparut au départ presque de la science-fiction. surtout face a l'incapacité de Kaiser a la traduire en termes techniques concrets. C'est a ce moment-là qu'entra en scène Howard Hughes. Bien que pris par ses multiples activités, le milliardaire texan restait fortement attiré par le vol. A cette époque, sa Hughes Aircraft de Culver City (Los Angeles) se trouvait engagée dans la réalisation d'avions expérimentaux pour l'Armée, mais aurait trés bien pu s'efforcer de concevoir un grand hydravion correspondant aux caractéristiques énoncées par Kaiser. L'idée fascina Howard Hughes! Au cours de l'étè 1942, le projet, appele HK-1. devint réalité. Au même moment, la Hughes Aircraft et la Henry Kaiser Shipping Corp fusionnerent pour constituer ensemble la KaiserHughes Corp, laquelle devrait se consacrer exclusivement a la construction des 5000 hydravions de l'ambitieux programme. Le 17 et le 18 octobre, les autorites militaires recurent le projet de base, comprenant les estimations de poids et de performances. Un mois plus tard, Hughes et Kaiser reussirent à décrocher le contrat. Celui-ci prévoyait la construction de trois exemplaires, un pour les essais statiques et deux autres pour les essais en vol. Les prototypes devaient être réalises respectivement en un maximum de 15, 20 et 25 mois à partir de la date du contrat. En outre, un crédit de 18 millions de dollars fut débloqué à cette intention. Pour ne pas entrainer de répercussion sur la marcher de la production consacrée à la guerre, les avions devaient être construits en bois, en limitant au maximum l'emploi du métal. La complexité des problèmes que Hughes et ses techniciens eurent à surmonter pour réaliser l'immense structure firent perdre près de deux ans. Toutefois, les principaux éléments destinés à la construction du HK-1 prirent lentement forme; coque, ailes, dérive, stabilisateurs, hypersustentateurs, ailerons, gouvernail, équilibreurs, flotteurs stabilisateurs latéraux. Tous de dimensions nettement supérieures à celles de n'importe quel autre avion à I'époque en construction. Comme moteurs, Hughes avait choisi huit radiaux Pratt & Whitney R-4360 Wasp Major, les propulseurs les plus puissants du moment, développant 3000 chevaux, dont chacun actionnait une hélice quadripale de 5,23 mètres de diamètre. La coque, d'une hauteur de plus de neuf mètres et d'une largeur d'environ huit métres, pouvait transporter à l'intérieur tout engin blindé destiné à l'armée de terre, ou 700 soldats en tenue de compagne... Le retard pris dans la réalisation du premier prototype - aggravé aussi par une série de désaccords entre Hughes et les dirigeants de son usine - commenca d'abord par préoccuper les autorités militaires. Puis, lorsque la situation de la guerre s'améliora, la préoccupation se transforma graduellement en désintérêt. En 1944. le contrat initial fut ramené à un seul exemplaire: désormais, sur le plan stratégique, le projet n'avait plus d'importance. En conséquence, Henry J. Kaiser abandonna l'entreprise, mit fin à l'association et laissa Hughes seul avec sa créature. En 1945. les militaires annulèrent définitivement le programme. Toutefois. Howard Hughes était trop têtu et trop orgueilleux pour renoncer! En premère réaction à l'abandon de son partenaire, il changea la dénomination de I'avion en H-4 et le baptisa Hercules (nom choisi par les employés de l'usine à la suite d'un véritable concours en son sein). Puis, à ses propres frais, il poursuivit le programme, décidé à démontrer au monde entier la valeur de la réalisation. La phase d'assemblage commenca le 11 juin 1946, avec le transport par terre pendant 45 kilomètres des divers éléments jusqu'au hangar de Terminal Island. Aux deux mille hommes utilisés, il fallut deux jours de travail ininterrompu pour transférer le tout et vu les dimensions considérables des chargements (en particulier de la coque, qui fut transportée entière), il s'avéra necessaire de déplacer des poteaux et des càbles électriques et de couper des branches a plus de trois mille arbres. Le montage du gigantesque Hercules était terminé en septembre, mais il fallut attendre un an avant qu'il soit considere comme fin prêt jusque dans ses moindres détails. Howard Hughes entoura la journée historique du 2 novembre d'une mise en scéne soignee comme s'il s'agissait d'un immense spectacle dont lui-même et son avion étaient les vedettes. Journalistes, techniciens, vedettes d'Hollywood attendaient l'événement a bord d'un yacht expressément affrété par le milliardaire. La foule immense ajoutait la touche des grandes occasions, Hughes, pour sa part, contribua a faire monter savamment la tension. A 12 h 10, après avoir mis en marche les huit moteurs, il laissa flotter quelque peu l'Hercules. Une demi-heure plus tard, il répéta l'opération en donnant presque l'impression de vouloir décoller. A 13 h 40. il se décida: parmi les cris d'excitation de la foule, il souleva le géant de l'eau et le tint a quelques mètres de hauteur (les documents officiels mentionnent 26 métres, mais de nombreux observateurs soutiennent que l'altitude ne dépassa pas les 9 à 10 mètres) pendant un mille en volant à environ 150 kilometres à l'heure, puis il fit amerrir l'Hercules. Pour la première et la dernière fois. |
|||
Avion: Hughes H-4 Hercules. |
|
|
|||
|
|||
|
|
||
|
|
||
|
|